Les femmes et la pauvreté (1)
L’atelier « lirecrire numérique » a décidé d’aborder le thème « les femmes et la pauvreté ». Le sujet est large, grave, sensible, et nous y reviendrons plusieurs fois.
Nous commençons par raconter des situations concrètes, des histoires et faits connus des membres de l’atelier ou vécus directement par eux ou elles.
Parallèlement, nous chercherons des données qui décrivent et analysent la situation particulière des femmes par rapport à la pauvreté. Et nous écrirons à ce sujet une fois prochaine.
Au Congo, la plupart des femmes sont de vraies cheffes de famille. Elle ont la charge des enfants, se lèvent tôt pour s’occuper d’eux, surmontent les difficultés et les fragilités de chacun.
Parfois pour augmenter les revenus, elles font du petit commerce dans la rue, elles cultivent leur potager dans leur parcelle.
Coralie a trente ans, trois enfants de 10, 7 et un an. Son mari est au chômage, les allocations ne suffisent pas pour permettre à la famille de vivre décemment. Elle a bien essayé de gagner quelque argent en faisant des ménages. Mais alors qui gardera le petit ? qui fera les multiples démarches nécessaires au « respect des droits » ?
Coralie souffre ; elle souffre d’abord parce qu’elle voit bien qu’elle ne peut ni nourrir ni habiller ses enfants comme il faudrait, leur permettre d’aller au foot ou à la danse parce que c’est trop cher, les laisser aller à des anniversaires parce qu’il faut être bien habillé, apporter un cadeau . . . et que ses enfants à elle ne pourront jamais inviter chez eux des copains de classe. Ils auraient trop honte . . . et elle aussi . . . La honte : une seconde source de souffrance
Et puis, elle sait aussi que les copains de classe ne sont pas les derniers à remarquer que ses enfants portent des vêtements trop petits, trop larges, mal adaptés à la saison, pas toujours propres : on se moque de ses enfants ! Et ça, elle ne peut pas le supporter ! Pour elle, c’est encore une source de souffrance.
Il y a de l’aide, bien sûr, venue des assistantes sociales, des enseignants parfois . . .données le plus souvent avec respect et délicatesse . . . mais écoutons cette maman nous dire : « La pauvreté, c’est de ne pas avoir une seule personne à qui parler qui ne soit payée pour m’écouter. » ou encore : « La pauvreté, c’est avoir besoin d’aide, mais avoir trop peur d’être jugée comme une mère incapable pour la demander »
Ces réflexions laissent entrevoir que la pauvreté n’est pas seulement économique : elle envahit le psychique, l’affectivité, la vie sociale . . . J’ai vu des mamans n’osant pas aller aux réunions de parents à cause du regard des autres, sur elles-mêmes ou sur leurs enfants, des mamans découragées . . . Mais, la plupart d’entre elles, je les ai profondément admirées. Elles voulaient sauver leurs enfants de l’échec, pour le présent et pour l’avenir, et en prendre les moyens. « On veut qu’ils n’aient pas la même vie que nous ; une vie meilleure que la nôtre ». Il est important d’entendre leurs voix.
Une mère de famille solo avec un enfant dans les bras, entourée d’autres enfants qui font du bruit. Elle ouvre un frigidaire presque vide.
Une mère sur un coin de table s’applique à écrire dans un cahier, avec un livre à côté. Elle apprend pour pouvoir aider ses enfants à l’école.
Une militante d’ATD Quart Monde parle au micro devant une assemblée à l’occasion du 17 octobre, Journée mondiale du refus de la misère. Elle raconte son logement impossible et si cher à chauffer, son mari au chômage depuis des mois. Et son espoir d’un monde plus juste.
Quand j’avais 7 ans j’ai été en pension à Vaugneray dans les monts Lyonnais et à 8 ans j’étais à Saint Alban les Eaux dans la Loire jusqu’à mes 14 ans. Ma mère venait me voir tous les 3 mois ou 4 mois car elle n’avait pas les moyens de prendre le train et le car. C’était difficile pour moi de ne pas la voir souvent. Ma mère m’envoyait des lettres et des cartes postales car pour elle c’était dur de ne pas me voir, elle ne me le disait pas car elle ne voulait pas me voir pleurer
Je suis admirative devant l’ingéniosité, les ressources que des femmes vivant en situation de pauvreté déploient au sein de leurs familles pour que leurs enfants vivent le mieux possible.
Quand j’étais enfant, je n’ai jamais ressenti que, pour mes parents, la situation financière était difficile à gérer. Ma mère déployait de l’imagination de l’ingéniosité pour faire face.
C’est le regard des autres quand j’ai grandi qui m’en a fait prendre conscience ? Un jour au collège des filles de ma classe me disent : « Tes parents ont gagné à la loterie nationale ? », ce jour-là j’avais un manteau neuf.
Il m’est arrivé de refuser un arrêt de travail dû à une maladie pour ne pas faire subir la précarité à mes enfants car en se mettant en arrêt maladie on perd du salaire.
Donc j’ai dû travailler malgré la maladie pour pouvoir assumer le quotidien.
J’avais une douleur insupportable dans le bras droit que je pouvais à peine bouger, j’allais quand même travailler avec une atèle. J’ai forcé sur mon poignet, je travaillais dans les serres. le médecin me faisait régulièrement un arrêt mais je ne le prenais pas. Après le travail j’allais faire de la kiné pour me soulager.
La conséquence sur ma santé c’est que je ne peux plus utiliser mon bras droit. Je ne peux plus travailler dans le maraîchage. Je me retrouve donc avec une RQTH (Reconnaissance de la Qualité de Travailleur handicapé) et retrouver un travail avec un bras en moins c’est compliqué.
Persécution
la faim
le dégoût
la douleur
l’angoisse
la misère
le chagrin
la souffrance.
La pauvreté peut-être aussi morale, sociale sans être nécessairement matérielle. Cette forme de pauvreté peut empêcher d’avoir une vie « normale ».
Je sais que cette pauvreté morale existe autour de moi chez de nombreuses femmes que je connais, elle peut se cumuler à des situations de pauvreté matérielle.
Cette pauvreté morale, sociale fragilise durablement mais l’amitié fraternelle et aussi sans doute un déclic intérieur personnel permet de retrouver un certain équilibre apaisant.
H. vit seule avec son fils, elle doit faire face aux problèmes de logement, elle ne veut pas vivre dans un logement social pour ne pas être stigmatisée.
Son appartement est propre et bien tenu, son fils est sa priorité
Elle me demandait souvent est-ce que je ressemble à un cas Soc.
Elle travaille à temps partiel, elle est tributaire d’un patron qui lui donne ou pas des heures supplémentaires.
Quand, elle est en retard, il y a des regards accusateurs, elle se se sent jugée.
Elle n’a pas de voiture.
Tout est compliqué.
Les femmes handicapées vivant seules touchent l’AAH (Allocation Adulte Handicapé) qui est d’environ 900 euros, par contre si elles vivent en couple elles peuvent perdre leur AAH. C’est dur car ces femmes deviennent alors dépendantes de leurs conjoints.
Certaines femmes en situation de pauvreté n’ont pas de moyens pour se déplacer. Elles sont toujours obligées de demander de l’aide et c’est un peu la honte car elles ne peuvent pas aller où elles veulent, elles sont clouées à la maison.
Des femmes âgées qui ont peu travaillé car pas de travail ou des petits boulots ou salaires bas ont peu de retraite et vivent difficilement.