Le journal des confiné.es : semaine 1
Les journées je fais du tricot de la layette pour bébé, ça me fait changer mes idées. Je pense, même si c’est pénible à vivre, que nous devons résister à cette épreuve... ce qui n’est pas facile . Donnons-nous la main !
Cela fait quatre jours que je reste avec ma femme à la maison, en fait l’appartement où on vient juste d’emménager.
On regarde la télévision et des dvd et on finit les cartons.
Pour l’alimentation c’est le parrain de notre petite fille qui fait les courses, c’est gentil de sa part !
Même si ils sont à Brest, c’est par le téléphone qu’on a des nouvelles de notre fille et de nos petits enfants.
Grand père de 70 ans, confiné depuis trois jours avec ma femme aimée dans un appartement équipé et plein de livres, en proximité à pied des magasins d’alimentation, je ne souffre pas vraiment de ce confinement et ne crains guère que cela dure encore deux ou trois semaines. Une fois de plus, je me sens privilégié, et une fois de plus cela impose des gestes de solidarité vis à vis des moins chanceux. C’est une question de dignité pour eux, et pour moi. Un appel à la fraternité.
Cette fraternité est notre destin d’Être humain, elle est la condition de son accomplissement et qui sait de sa survie. En ces temps difficiles, c’est encore plus vrai. Mais encore plus difficile à vivre tant les contacts physiques sont importants : les embrassades, les croisement des regards, les paroles échangées en face à face non virtuel déjà me manquent.
Nos enfants et petits enfants, d’habitude à un quart d’heure de chez nous semblent à l’autre bout du monde. Alors nous inventons des relations numériques, découvertes à cette occasion (Skype, WhatsApp). Je lis davantage, fais du rangement, appelle les amis. Patience et ressourcement.
Voilà je suis en famille. On joue pour ne pas penser. On fait l’école pour les petits. Ce qui m’inquiète c’est de ne pas pouvoir avoir accès à l’aide alimentaire.
Il est 14h nous sommes au J3 (journée 3) officiel du confinement. Je me suis installée pour lire sous ma fenêtre de toit grande ouverte, le ciel est bleu. Le silence est là, étonnant en plein centre ville, une voiture passe ... habituellement on ne remarque pas le passage d’une voiture car il y en a tout le temps ou presque. Un oiseau se pose sur l’antenne de la maison voisine, il est tout petit et il chante si fort, un autre lui répond un peu plus timide, la conversation entre ces 2 oiseaux se poursuit un peu puis le petit oiseau s’envole ailleurs. Le silence complet revient. Mon esprit vagabonde, je ferme mon livre. Je suis juste bien là à regarder le ciel, à écouter le silence.
Je dois faire comme tout le monde, rester chez-moi.
Je suis nounou à domicile, j’aurai dû travailler hier et aujourd’hui mais les familles ont annulé mes gardes et ne me paieront pas mes heures. J’aurais un minimum de salaire.
Par contre je me retrouve au chômage partiel, comme pas mal de personne.
Du coup, je fais quoi, je rattrape mon retard dans mes papiers.
Prenez soin de vous et de vos proches.
Lundi 23 Mars, J 8, semaine 2 Quelques notes d’une « confinée » : comment ai-je vécu la semaine 1 ?
Ces lundi 16, mardi 17, mercredi 18 mars : J1, J2, J3 … se passent, ma foi, plutôt bien. Nous comprenons les raisons qui ont poussé à prendre ces décisions : ce virus est très menaçant, nous devons tout faire pour arrêter son action dévastatrice. Le « confinement » laisse la possibilité de faire des courses, d’aller voir un proche trop seul, de sortir marcher . .. ce n’est pas si mal.
En tâtonnant un peu, nous nous organisons : une seule sortira pour les courses quotidiennes : il y a tout le nécessaire dans le quartier ! ET puis, pour le reste, à chacune de voir !
Etonnement : il va falloir porter sur soi un « laisser-passer » ? sinon, on risque une amende ? Déjà, des voisins viennent nous demander des photocopies du papier dont ils ont entendu parler. . . Je lis attentivement ce texte qui trace les limites de nos « déplacements dérogatoires ». . . Il va falloir apprendre à l’appliquer !
Jeudi 19, Vendredi 20, Samedi 21, Dimanche 22 mars : J4, J5, J6, J7
Le mal progresse, le couronnavirus atteint de plus en plus de gens, s’installe un peu partout, menace . . . il faut s’en méfier. Il peut être dans cette main que tu tends ou qu’on te tend, dans cette « queue » qui s’est formée devant la boulangerie, (« Respectez la distance d’1 mètre ! » dans ce visage aimé que tu voudrais embrasser . . .
Depuis que les écoles sont fermées, le quartier change de visage ; je ne sais pas comment font les parents, mais les enfants, on ne les voit pas, on ne les entend pas . . . même les ados ont disparu ! . . . quel silence, dans ces rues désertes. Plus de vélomoteur à foncer en faisant le plus de bruit possible . . . mais plus non plus de rires d’enfants , de joyeux visages qui vous sourient, de menottes tendues . . .
Je raccourcis de plus en plus mes « balades » de l’après- midi, et je m’aperçois qu’en ¼ d’heure, si on se donne la peine d’ouvrir les yeux, on peut voir beaucoup de belles choses. Des arbres, par exemple. Dans les jardins, des arbres fruitiers. Ils n’ont pas encore de fleurs, mais le dessin des branches d’un vieux pommier mérite d’être contemplé ! Il ya les camélias. Pour la plupart, la saison est finie, ils n’ont plus que des fleurs fanées, mais un ou deux, d’une autre espèce peut-être, portent encore de magnifiques fleurs rouges . . . Un tout petit détour pour passer, place St Pierre, près de « l’arbre de la LIBERTE », un magnifique chêne planté en 1881 : les branches paraissent encore nues, mais là, sur celle-ci, un bourgeon vient d’éclore, de toutes petites feuilles commencent à se dérouler . . . la VIE est la plus forte ! Et juste à l’entrée du quartier, il est là, l’Olivier, planté pour la fête des 40 ans : un olivier, l’arbre de la PAIX !
Mais le soir à la télé, les nouvelles inquiétantes pleuvent : en Italie, en Espagne, les décès augmentent . . . en France aussi, on ne sait plus où mettre les malades. A Brest, l’Arena se transforme en lieu d’accueil pour un premier examen médical qui permettra le verdict : atteint ? non- atteint ? la peur s’installe. . . .
Mais au cœur de l’angoisse surgissent aussi, au quotidien, mille petits messages réconfortants , par exemple : « Si tu as besoin d’aide pour les courses, appelle-moi, je n’habite pas loin ! », un coup léger à la porte : il y a quelqu’un , à quelques pas, sur le palier : « Juste un petit coucou : tout va bien pour vous ? » . . . ou le coup de fil d’une ex-voisine qui a quitté le quartier il y a plusieurs années : « Comment ça se passe à Brest ? » Et l’exemple que donnent tous les soignants, tous les services hospitaliers, l’invitation au « BRAVO » à 20h chaque soir. Et aussi le message qui passe de bouche en bouche, qui termine les petits mots envoyés, les coups de fil : « Prends soin de toi ! »
Tout cela a un nom : la SOLIDARITE !