Nous et Henri-Cartier-Bresson
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« C’est court, court, quand même non ? Franchement elle n’a pas froid aux yeux cette petite ! Remarque, entre nous, un jour comme aujourd’hui au moins elle n’étouffe pas ! parce que moi dans ce tailleur je n’en peux plus !
Et puis, forcément, j’ai mis les bas. Niveau chaleur ça n’arrange pas le problème ! C’est pas si mal finalement ces chaussettes, et ça évite la gaine qui me sert et m’empêche de respirer. Elle n’a pas tort la petite !
C’est comme ce chapeau qui me gratte et qui me prend la tête, c’est le cas de le dire ! « Sortir en cheveux » j’ai tellement entendu que ça ne se faisait pas par ma mère ! Mais pourquoi en fait ? Les cheveux des femmes font peur à qui pour qu’il faille les cacher ? Cette petite avec ses cheveux au vent, qui dérange-t-elle ?
Il serait temps que je me libère un peu moi !
Elle lit quoi d’ailleurs ? Le Monde ?! Tiens, Le Monde ? Eh ben ! Eh ben … pourquoi pas Le Monde ? 50 ans que je lis le Figaro et pourquoi ? Parce que mon père le lisait ? parce que mon mari le lit ? Tiens je vais lui demander de me le prêter, son journal, à la petite ! »
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Il a des risques de se faire électrocuter et on a l’impression qu’il tombe.
On a l’impression qu’il va se faire aspirer !
On a l’impression qu’il va mourir.
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Une petite pause journalière au bistrot pour la vieille dame.
Elle a ses habitudes. Elle commande sa boisson favorite et lit le journal. Elle a soigné sa tenue vestimentaire, sa veste chamarrée, son chapeau cloche et son air revêche. Elle observe la jeune fille assise à côté, un peu suspicieuse, l’air de dire qu’est-ce qu’elle fait là. Elle est habillée trop court.
Que fait-elle dans ce quartier ?
La jeune fille l’ignore, se demande, pourquoi cette dame la regarde comme ça. Qu’est-ce qu’elle sait de ma vie ? Elle porte un jugement sans savoir. C’est gênant ! Je préfère l’ignorer. Moi aussi j’ai le droit d’être là et de me détendre.
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Me voici seul, une fois encore, dans la salle des machines de ce navire orgueilleusement imposant, mais en panne. Je suis mécanicien et je prends conscience une fois de plus, combien c’est gratifiant d’être responsable en cherchant à trouver ce qui cloche dans cette batterie de tuyaux qui fait avancer la machine.
Tout à coup je me sens un peu comme ce médecin intègre qui répare ce que le corps a développé comme maladie ou pourquoi l’esprit s’est mis à tourner à vide. Trouver le noeud, s’il y en a un, et défaire la pelote de laine embrouillée comme seul un petit chat peut le faire, et que le médecin de la machine vivante que sont le corps et l’esprit, peut démêler.
Moi, simplement, à ma place, je vérifie chaque tuyau de cette salle des machines jusqu’à débusquer celui défectueux.
Je suis heureusement conscient que mon métier de mécanicien n’est pas comparable aux métiers de la médecine qui répare des êtres humains vivants et blessés dans leur corps et leur esprit.
Mais je suis peut-être aussi un facteur d’orgue assurant la maintenance d’un instrument de musique majestueux jusqu’à trouver la pièce "malade" et lui redonner le meilleur son qui permettra à l’ensemble de l’instrument musical et à l’organiste d’offrir un concert parfait et sacré.
Aller ! Assez rêvé ! Et je repère enfin, grâce au toucher car je ne distingue pas grand chose, la pièce défectueuse depuis ma position inconfortable comme si j’allais dégringoler au fin fond de cette gigantesque machine.
Je répare et remets le moteur en route, et grande joie, la machine redémarre. Tout fonctionne.
Je souhaite cette même fierté à chacun et chacune qui réussit un travail manuel, créatif, ou pensé.
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La jeune fille elle mange en regardant le journal, et la personne à côté de la jeune fille tient le Figaro (journal) et sur la table il y a une bouteille de Vittel et un seau à champagne. Le serveur regarde vers la porte du café ou du restaurant.
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Elle est rigolote cette photo.
Ce qu’on n’enlèvera jamais aux Parisiennes, ce sont bien les terrasses de brasserie. Ces terrasses mythiques où l’on défait et refait le monde,
où l’on observe scrupuleusement la vie,
où les critiques vont bon train,
leurs passe-temps favoris.
Ce jour-là, c’est l’émancipation de la femme qui est sous le feu des projecteurs.
Sur cette photo pleine de contrastes, deux femmes, que tout oppose,
sont assises en terrasse sur le même banc, mais assez éloignées l’une de l’autre.
L’une est d’âge mûr, l’autre est dans la fleur de l’âge. Avec son regard inquisiteur, la plus âgée semble ne pas comprendre cette jeunesse qui ose s’émanciper, celle qui ose redéfinir les codes en envoyant valser les injonctions : vivre libre intensément, les cheveux au vent, le style vestimentaire affirmé glorifiant les courbes féminines, la liberté de pensée pour alliée.
Et dans le tourbillon de pensées, s’élève ce sentiment prégnant que "c’était mieux avant..." auquel répond "ça pourrait être (encore) mieux après".
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Je ne regarde même pas mon journal. Mes yeux sont attirés vers cette jeune fille qui a l’air songeuse, depuis quelques minutes.
Je pense qu’elle doit être étonnée des articles qu’elle lit car moi aussi je le suis. Je viens de voir un article annonçant que le gouvernement va baisser les bourses des étudiants.
Moi je me demande où va le monde ?
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Je ne sais pas si c’est de la bienveillance ou de la malveillance, le regard que porte la dame au chapeau vers une adolescente ou une jeune femme intériorisée. Cette dernière semble dans son monde, elle ne regarde personne. Elle est très pensive. Juste quelques regards sur son journal. Les articles qu’elle a lus semblent l’affecter. La dame au chapeau est prise de curiosité. Il me semble qu’elle, aussi, est affectée par les informations sur le Figaro, journal qu’elle tient entre ses mains. Il me semble que la dame au chapeau veut lui apporter un soutien moral. La jeune demoiselle semble manger quelque chose. Un homme, au fond, debout avec des lunettes noires, bien habillé, semble ignorer ces deux femmes. Il regarde ailleurs. La chemise entrouverte, cet homme élégant aimerait peut-être tenir compagnie à l’une de ces deux femmes, mais il est, à mon avis, très timide et pas de leur âge. Et c’est pour cette raison qu’il regarde ailleurs.
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Il y a deux femmes dans un café, elles lisent leur journal, une d’elles est pensive et l’autre curieuse. L’une d’elles se demande si elle pleure en lisant son journal. Je pense que l’une veut communiquer avec elle et lui demander si tout va bien.
Toujours est-il que ces deux femmes sont paisibles et tranquilles.
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En voyant cette photo, je me dis que cette personne ne respecte pas les règles de sécurité et met sa vie en danger si cela se passe dans une entreprise. Ou alors il a peut-être été bousculé par quelqu’un et est tombé ou il a fait un malaise... cette photo est très intrigante !
Cette photo évoque le danger !
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Des tuyaux, des tuyaux encore des tuyaux et des manomètres et puis mon derrière. Il faut bien y plonger pour bien tout régler. Bien tout régler. Bien tout régler....
Sur l’air du poinçonneur des lilas.
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Mangé par une machine... C’est ce qui arrive aux humains qui se comportent comme des robots.
Angoissé à la terrasse d’un café... C’est ce qui arrive aux humains qui lisent les journaux.
Si tout ce qu’on fait nous punit, alors autant arrêter de faire, et profitons de la vie.
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C’est toujours à moi qu’on demande de faire cette réparation qui est vraiment très pénible.
Je dois écarter les gros tuyaux puis me pencher le plus que je peux pour atteindre une pièce qui souvent se bloque et donc déclenche la sécurité et fait arrêter la chaîne de production. Cela me fait très mal aux cuisses, je ne vois pas grand chose et j’ai surtout très peur que la machine ne redémarre quand je suis encore dans cette position.
Mais pourquoi c’est toujours moi qui dois faire cette réparation ! J’ai l’impression d’être un peu celui de qui on se moque, d’ailleurs souvent j’entends des rires des propos pas très sympas des collègues quand je suis la tête dans la machine.
Mais je n’ose pas refuser de faire cette réparation car je suis en CDD et j’ai trop peur de perdre cet emploi qui pourrait peut-être se transformer en CDI.
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