Nos souvenirs de maltraitance

On est allé.es, ma femme et moi chez un dentiste nous avions pris rendez-vous.
La dentiste a commencé à regarder les dents de ma femme, j’ai dit qu’on était sous curatelle. A ce moment-là la dentiste a arrêté les soins en nous disant qu’elle ne soignait pas les gens sous curatelle.
On est parti.es, c’était très dur, on s’est senti.es maltraité.es.

La "maltraitance institutionnelle" est un concept que je ne connais que depuis quelques mois et grâce à ATDQM. Cette ignorance m’a fait réfléchir.
J’ai dans un 1er temps pensé que c’était dû au fait que je n’avais pas eu à la subir, et c’est vrai que sur beaucoup de plans je fais plutôt partie des privilégié.es qui ont peu affronté les services administratifs, sociaux, juridiques...
Et puis en y regardant de plus près et en remontant dans le temps, je me suis rendue compte que ce n’était pas si vrai que cela. Des souvenirs me sont revenus de rendez-vous administratifs et dossiers jamais complets, de courriers incompréhensibles, de remarques déplacées... Et de comportements que j’espère aujourd’hui d’une autre époque alors que toute jeune, enceinte, je devais attendre mon tour, comme d’autres femmes présentes, dans un box, complètement nue, pour faire gagner du temps aux médecins qui allaient nous examiner à la chaîne.
J’en suis alors arrivée à la conclusion que si je ne connaissais pas cette expression c’était peut-être aussi parce que je vivais dans une sorte de fatalisme face à certaines situations révoltantes. Prendre conscience du caractère systémique de la maltraitance institutionnelle, c’est le premier pas nécessaire pour la combattre.

J’ai beaucoup souffert du fait de ma maman toute petite, jusqu’à l’age de 16 ans et que je trouve du travail. Elle était violente, elle cassait une bouteille en verre et elle me courait après pour me faire du mal. Elle m’ enfermait toute petite dans un trou noir sans lumière, enlevait la lumière dans ma chambre et fermait la porte à clé. Elle me disait qu’elle ferait un trou dans le jardin pour m’enterrer.
J’ai encore les cicatrices sur mes os des traces de coups de fouet sur coups de poing, et je ne sais pas tout encore. Je n’ai jamais été acceptée par la famille.
Suite à tout ceci, j’ai été proche de la mort 5 fois, et actuellement je suis obligée de prendre des médicaments.
Avec mon premier mari c’était même la chose, et avec mes enfants. J’ai beaucoup souffert aussi.
Moi si gentille, j’ai tout donné.
Que faire ?

Maltraitance, ce mot pour moi résonne avec humiliation, non considération, inégalité de statut, domination, privation de droits ...
J’ai l’impression, avec certain.es soignant.es d’être un objet, un corps que personne n’habite.
Je suis dans une chambre d’hôpital, on m’installe sur une chaise roulante, en route pour un examen, aucune information. On me pose dans un salle d’attente parmi des personnes qui attendent un rendez-vous. Moi je suis pieds nus, vêtue d’une blouse de l’hôpital, les autres sont en tenue de ville. On vient me déplacer car je gène le passage, on me met face au mur. Je vois écrit échographie, réadaptation cardiaque, enfin une indication ...
On m’appelle et on me pousse jusqu’à la salle d’échographie. On entre, une jeune femme est devant un écran, à peine un bonjour.
Ma pousseuse m’installe sur la table d’examen,, je suis positionnée sur le côté, elle éteint les lumières et part. Peu après je sens dans mon dos que l’examen commence, je sursaute, la personne qui fait l’examen me dit c’est froid et continue. Puis j’entends tout est bon. Ma pousseuse revient me réinstalle sur la chaise roulante, et me pose à nouveau dans le couloir toujours en face du mur. Elle me dépose une enveloppe sur les genoux.
J’attends qu’une autre personne vienne me chercher pour me reconduire dans ma chambre.
Expérience étrange, comme un film muet ... je me suis sentie maltraitée.
La formation des soignant.es comporte-t-elle un module sur le respect de toute personne en situation de fragilité ? Peu importe l’état d’une personne, elle reste une personne.

Maltraitance, quand je vois ce mot cela me fait directement penser à Maltraitance institutionnelle, chose qu’on entend beaucoup à ATD et effectivement je l’ai vue, les institutions comme les services sociaux abusent de leur pouvoir pour embêter et placer des enfants quand les parents auraient juste besoin d’un peu d’aide. Heureusement ils ne sont pas tous comme cela. Je ne l’ai pas vécue personnellement mais je l’ai vue chez des amis proches et ça existe, croyez moi !
Et puis il y a la Maltraitance d’employeur quand un employeur te dit : " Pourquoi je me séparerais d’une personne ayant une RQTH (reconnaissance Handicap)". Pour faire court il gagnait de l’argent, ou il évitait de payer une amende en embauchant une personne avec une reconnaissance mais il ne faisait rien pour adapter le poste et ne prêtait pas attention aux difficultés que je rencontrais. J’ai eu du mal à faire valoir mes droits, pour moi c’est de la Maltraitance.

Je viens de recevoir un beau témoignage de "bonnetraitance" réconfortant pour l’avenir.
En ce qui me concerne, des souvenirs de maltraitance dans ma vie d’adulte me font encore mal, car jamais dits pour le dernier, malgré les années passées ou même récentes comme si rien ne pouvait changer jamais.
J’ai déjà évoqué dans des ateliers récents ce jeune voisin habitant dans l’appartement au dessous du mien et qui criait dès qu’il entendait un bruit chez moi. Cela a duré des mois. J’ai pu aller vivre ailleurs provisoirement, mais revenue chez moi, il a recommencé. Je l’avais pourtant signalé au syndic. Et puis récemment, un jeudi matin, jour de rentrée de l’atelier, en rentrant chez moi et cherchant une place pour me garer, j’ai vu qu’il s’était passé quelque chose, je n’ai pas pu savoir quoi, toujours est-il qu’il n’était plus dans l’appartement et sa voiture est partie le lendemain. C’était un grand malade m’avait-on déjà prévenue. C’était du harcèlement moral qui est en effet une forme de maltraitance. (Je termine mon texte ce matin samedi, mais hier soir mon jeune voisin était rentré chez lui, il a râlé et toussé ; je partirai dès que possible).
Ce que je suis sûre d’appeler par son nom aujourd’hui, c’est la maltraitance professionnelle. J’ai aussi évoqué ce sujet dans des textes passés comme si l’autoritarisme de ces patrons était quelque chose d’insupportable qui m’avait brisée. Mais non, je suis toujours debout.
En réfléchissant sur le sujet d’aujourd’hui, je donne son nom à cette maltraitance médicale que j’ai vécue autrefois quand j’avais la trentaine. Je venais de vivre un chagrin d’amour impossible de vacances, chagrin qui durait depuis plusieurs mois. Lorsque j’ai reçu une lettre de cet homme se rappelant que j’étais fonctionnaire et me demandant de l’argent, tout s’est écroulé. Je ne pouvais que me retrouver chez un médecin psy. Quand j’ai terminé le récit de ma pauvre histoire, cet homme m’a fixée et j’ai vu vriller ses yeux, à mon avis, les doctoresses que j’ai vues par la suite n’ont pas compris ce phénomène qui m’était arrivé à moi aussi. J’ai compris tout de suite que ce médecin était un grand malade. Et bêtement, j’ai cru qu’on pourrait guérir ensemble. J’ai appris et compris trop tard que cet homme était un pervers sadique, même ma mère l’avait percé à jour. Mais le mal était fait, il était "gentil" et moi j’ai plongé dans une des plus tristes relations possibles et peut-être communes à d’autres. Il ne s’est jamais rien passé d’irrémédiable, seuls ses mots auraient pu me tuer, mais aujourd’hui je sais que ma conscience a été violentée.
Un jour, je l’ai quitté.
Quand une soignante, lors d’un entretien, m’a appris sa mort, j’ai regardé par la fenêtre, j’ai écouté ce qui se passait en moi... Je n’éprouvais rien.
Le pire, dans les maltraitances, c’est souvent de se croire soi-même responsable de ce qui nous arrive, et peut-être je l’étais en effet.
Bien sûr, il reste des séquelles durables mais l’AMITIÉ est un puissant remède.

MALTRAITANCE CONTRAIRE : BIENVEILLANCE.
Il y a plusieurs décennies, j’étais au chômage, Je suis allée à Pôle Emploi, l’employé qui m’a reçu a tout de suite mis le doigt sur mes failles, il m’a mis mal à l’aise. Il a décortiqué mon C.V.
Il y a des choses que j’ai mal vécues et j’ai du mal à les exprimer et à les coucher sur le papier.
C’est un peu se dévoiler, montrer sa vulnérabilité, ses faiblesses.
Petit à petit, je me suis aperçue que beaucoup de personnes évitaient cet employé. Il abusait de son pouvoir et portait des jugements mal appropriés. Il sortait de son cadre.
Des années après, cela reste dans ma mémoire.
Quand la vie nous a affaibli et qu’on doit faire des démarches administratives ; se mettre un peu à nu devant un inconnu, c’est humiliant. On se sent en état d’infériorité et certains en profitent.

Parce que je suis sorti de la cantine avec mon dessert, une banane alors que l’on nous l’avait interdit car certains écoliers mangent leur banane, plus tard, dans la cour et laissent après eux, la peau de leur banane, je reçu donc une gifle sur la joue droite et puis sur la joue gauche car j’avais mis ma main droite sur ma joue droite montrant qu’elle m’avait fait mal. Et je me montrais comme une victime et ça ne lui a probablement pas plu.
Après avoir reçu la gifle sur la joue gauche, j’ai mis rapidement ma main droite sur ma joue gauche et je me suis barré en courant, en pensant fort dans ma tête, elle est folle celle-là. Je n’ai pas osé le dire à voix haute car j’avais peur qu’elle court après moi. La banane, je voulais la garder pour l’emmener à la maison, pas pour la manger dans la cour. Je n’avais pas assez faim pour manger une banane entière au repas du midi. Je voulais la garder comme dessert pour le dîner. Je voulais la prendre avec moi, car mes parents paient la cantine. Je me souciais de la valeur de la nourriture. J’aurais pu manger la moitié de la banane mais je n’aime pas gaspiller car j’ai appris à ne pas gaspiller. Cet évènement s’est passé au début des années 80.
Je me souviendrai toujours de ces deux gifles violentes qui n’étaient pas interdites à l’époque. Car à cette époque, il était normal de distribuer des claques comme punition aux élèves de primaire. La loi a bien changé aujourd’hui. Car aujourd’hui, la gifle est considérée comme un acte de maltraitance. Ce fut une dame, une surveillante de grande taille qui m’a giflé, après m’avoir fouillé. J’en garde assez nettement le souvenir.

Nous portons tous dans nos valises des expériences déchirantes. Nous gardons certaines secrètes de peur d’être jugés et rejetés, vivant ainsi prisonniers du poids des blessures vécues. Nous répandons le déchirement en nous privant de vivre librement. Double châtiment.
Un espace bienveillant nous est proposé pour enfin libérer ces secrets bien gardés de la muraille du cœur. Dix ans plus tard, aujourd’hui, la boucle est bouclée. A vous témoins lecteurs, merci de les accueillir sans jugement et le cœur ouvert.
Sommes-nous obligés de vivre ces déchirements pour nous rendre compte que nous sommes intimement liés, malgré nos corps séparés ?
Les histoires sont différentes mais les blessures vécues et scénarii sont les mêmes : un dominant – être humain ou institution, elle-même constituée d’êtres humains – profondément déstabilisé en manque d’amour universel, et un dominé – un être humain à qui on rejette son humanité.
La mienne a commencé, en 2014. J’étais étudiante en stage de fin d’étude, très solaire et au tempérament de « 1ère de la classe ». Pourtant, j’ai vécu 6 mois d’humiliation, les plus longs de ma vie. Je me pointais aux réunions en tête-à-tête avec mon supérieur hiérarchique en me demandant à quelle sauce j’allais être mangée encore une fois. Sur le ton de la colère, les critiques et les reproches pleuvaient en continu et me lacéraient l’âme, mon estime de moi. Je n’ai pas réagi de peur de porter préjudice à la validation de mon mémoire et à l’obtention de mon diplôme et parce que j’étais intimidée, je n’ai jamais connu pareilles agressivité et injustice.
J’ai finalement validé mon mémoire, obtenu mon diplôme avec succès et enfin quitté l’entreprise. Pourtant, je ne me sentais pas libre. Je ne sortais plus de chez moi de peur de le croiser, j’usais de stratagèmes lorsque je devais sortir pour me nourrir et je craignais les entretiens d’embauche de peur qu’il soit contacté pour me référencer. Cela fait beaucoup de peurs, d’angoisses et de larmes versées.
Un an plus tard, je reçois un mail pour m’informer de son décès, il n’avait que quarante ans. Ce jour-là, j’ai recommencé à vivre LIBRE. Un travail intérieur a été possible ensuite.
J’ai compris que cet homme n’a jamais accepté son cancer, qu’il était malheureux dans sa vie, et visiblement n’a pas réussi à exprimer son mal-être autre qu’en répandant sa tyrannie. Tout est au fond une histoire d’amour blessé.
Je nous souhaite de prendre soin de notre lumière intérieure, celle de notre humanité pour que jamais la misère de l’Homme ne l’éteigne. Nous vivons une vie de relations et d’histoires d’amour universel. Celui qui permet « l’acceptation de ce qui est » ainsi que « l’acceptation de soi-même ». Plus tard, cet amour de nous-même permettra l’amour inconditionnel de l’autre.

J’ai un souvenir très ancien d’une "maltraitance" qui m’avait fait beaucoup souffrir et douter de moi . . . C’était ma première année d’enseignement. Je devais donner des cours de Français à des élèves de 5° que je ne connaissais pas du tout. Au premier trimestre, tout s’est très bien passé : bonne ambiance dans la classe, travail sérieux . . . Et voilà que, peu après la rentrée de Janvier, tout a changé : les élèves ont commencé à jouer entre elles, à se passer des papiers, à me ridiculiser . . . bref, l’atmosphère des cours devenait impossible, et je ne savais vraiment pas ce qui avait provoqué cela ni ce que j’avais à me reprocher . . . Je me disais : "Je ne suis pas faite pour l’enseignement ! " Je ne voyais vraiment plus comment m’en tirer . . . Alors, j’en ai parlé à la directrice, qui s’est montrée très bienveillante. Elle est venue dans la classe, a parlé avec les élèves, a découvert la "meneuse" de ces comportements : une petite Geneviève qui a déclaré : "Notre prof, elle est trop jeune ! " et puis, quelques élèves ont reconnu : " C’est méchant de notre part d’être comme ça !"
Un sérieux dialogue du groupe avec la directrice, puis avec moi-même. . . et les choses se sont bien rétablies jusqu’à la fin de l’année.

La maltraitance peut être de plusieurs formes, elle peut-être physique, morale, mentale...
Ma première maltraitance a été par les professeurs de l’éducation nationale, qui avait pour effet une perte de confiance en soi.
La deuxième est institutionnelle, car tout ce qu’ils ont réussi à obtenir c’est le dégoût des services publics.
La troisième était le monde du travail qui vous reproche de ne pas avoir de diplôme, et donc ne vous propose que du travail physique. Ces travaux m’ont rendue handicapée.
Malgré toutes ces maltraitances je me relevée petit à petit : un combat de tous les jours.

Il faisait très beau sur Brest ce jour-là. Je venais rejoindre mon amour, hospitalisé pour un cancer dont l’échéance était fatale. Nous le savions tous les deux.
Dans la chambre m’attendaient son oncologue et un médecin qui ne s’est pas présenté. Très vite, ils nous ont fait comprendre qu’il serait plus "commode" que mon mari finisse ses jours à la maison. Bien sûr, P.Y ne souhaitait que ça, voir son jardin, vivre ses derniers jours avec ses enfants, ses amis. Mais comment, au vu de la lourdeur des soins ?
"Ne vous inquiétez pas, madame, nous avons un service performant qui vous accompagnera votre mari et vous même, nous serons auprès de vous à la moindre difficulté."
Nous y avons cru et sommes rentés à la maison sereinement...
Le cabinet d’infirmiers (ères) qui nous soutenait depuis le début de la maladie était là le soir même pour les soins et je les ai sentis un peu réticents face à ce que nous leur racontions de notre entrevue médicale.
Dès le lendemain, notre, chez nous, s’est transformé en hôpital : coffre à clef pour la morphine et ses dérivés, des caisses de pansements, produits antiseptiques, seringues, cathéters ... Le tout déposé sans ménagement et sans explication.
Je devais me trouver présente pour les livraisons et donc me plier aux horaires très variables du personnel.
Toujours être disponible, plus de possibilités de sorties, plus le droit de vivre. Apprendre à faire des toilettes, des soins...Malheureusement, on ne s’invente pas soignant.
Si les infirmiers(ères) du cabinet médical ne nous avaient pas soutenu, je pense que j’aurais craqué. Ils ont su avec humour et bienveillance nous accompagner.
Par contre j’ai une terrible rancœur vis à vis du service d’hospitalisation à domicile.
Pour moi, ce fût des nuits sans sommeil, voir mon compagnon s’étioler dans mes bras, l’angoisse de mal faire et pour lui une immense tristesse de me voir épuisée et beaucoup de souffrance.
Nous avons subi l’incompétence de ces personnes, y compris de la psycho incapable d’écouter ses patients.
Nous avons vu un énorme gâchis de pansements et autres, inutiles, mais tous facturés...
Et pour conclure, le dossier que je remplissais pour donner mes sentiments sur le service a été "égaré"
La maltraitance psychologique et physique que nous avons subi ne s’oubliera pas mais j’espère qu’un jour en France, l’on pourra mourir dans la dignité.
Alors messieurs les ministres et députés, au travail !
Messages
6 octobre 2024, 18:29, par Nathalie Couégnas
Merci pour ces textes qui me font réfléchir à ma posture en tant que professionnelle mais aussi en tant que citoyenne.
Mes amitiés
Nathalie