Banksy et nous

Je suis un ruminant, une chèvre, je rumine. Là, en ce moment, c’est mon cerveau qui rumine. Je cherche comment me sortir de ce pétrin. Je suis recherchée par mon propriétaire. Je me suis échappée de son enclos. J’ai beaucoup marché, et je me retrouve maintenant, perchée depuis un long moment, à une hauteur vertigineuse. J’ai peur dans cette ville londonienne. J’ai eu tellement peur d’un gros camion et de motos bruyantes qui passaient, que j’ai bondi comme une folle et me voici haut perchée sur un pilier.
Une caméra m’observe. Je ne l’ai pas vue, avant de gravir le mur. On m’espionne.
Si un camion se gare dans cette rue, je pourrai sauter dessus et ensuite, descendre du toit du camion pour me retrouver au sol, car ce perchoir m’est très inconfortable il est très riquiqui.
Je veux quitter cet endroit, fuir loin, très loin dans des pâturages, retrouver ma liberté car la ville, ce n’est pas pour moi ! Mais je ne veux pas finir dans un enclos ! Je veux ma liberté comme la chèvre de Monsieur Seguin, mais en espérant ne pas finir comme elle, mangée par un loup !

La chèvre : "Si je reste ici, je suis en sécurité contre les prédateurs mais il faut que je boive et que je mange, il faut que je descende d’ici. Comment faire ..."
Un passant passe par là et dit : "Je vais essayer de t’aider petite chèvre, je vais prendre une planche très longue pour que tu descendes et je te protégerai ensuite". Il part chercher la planche et de quoi protéger la chèvre. Il va à sa voiture chercher des gants et au passage prendre la planche dans sa remorque, ainsi que d’autres planches (il est bricoleur, cet homme là ! ). Il prend aussi plein d’orties et bricole une sorte d’abri pour la protéger, l’intérieur c’est fait de planches et l’extérieur c’est fait d’orties. Il amène tout ça à la chèvre, elle est très heureuse. Elle dit : "Je ne sais pas comment te remercier ... " et elle part.

Mais qu’est-ce que tu fais là ? Toute seule, sans bouger, sans respirer, statufiée, comme si le sol se dérobait sous tes pieds, comme si tu t’étais réfugiée en haut d’on ne sait quoi et te tenais apeurée, au bord du vide, perdue, affolée, coincée, acculée.

Mais pourquoi les as-tu crus quand ils t’ont repoussée, chassée, méprisée, punie, jugée, condamnée alors que tu voulais juste courir, chanter, rêver sans te donner de limites ?

Pourquoi les as-tu crus quand ils t’ont dit : "Tais-toi. Ne bouge pas. Ne prends pas de place. Fais-toi toute petite. Obéis." !

Te revient l’histoire qu’on te racontait quand tu étais enfant. Celle d’une toute petite chèvre. Bichette ? Blanchette ? Blanquette ? Oui, c’est cela Blanquette ! qui voulait juste découvrir la liberté et qui en est morte. Comme si c’était le prix à payer...

Stop, arrête, terminé ! On ne va plus les écouter. Monsieur Seguin, c’est fini ! Les toutes petites chèvres ont bien raison de vouloir courir le monde ! Elles n’ont plus peur, elles ne sont plus seules, et les loups, elles vont les terrasser !

Cette chèvre qui me regarde de haut,
C’est peut-être un peu trop,
A supporter pour mon ego,
Sans qu’il ne parte à vau-l’eau.

Comment suis-je arrivée là ? Je suis tombée ? Peu importe, je suis coincée sur ce bout de mur, il faut que je réussisse à descendre, je ne peux pas rester plantée là, j’ai mes petits à nourrir. Et c’est quoi cette chose qui me regarde, pourquoi elle me fixe comme cela ? Elle ne peut pas m’aider au lieu de rester là avec son point rouge !
Enfin bref, je ne vais pas perdre de temps avec ce machin, observons autour comment faire ? Est-ce que si je saute sur ces trucs verts, ils seront assez solides ? Je prends un risque de me faire mal quand même, hum ... mais faut que je descende vite l’heure du repas approche.
Alors que la maman réfléchit, ses sept petits chevreaux apparurent et dirent en chœur : "Maman on a échappé au loup et on lui a fait peur, il ne reviendra plus nous embêter".
La maman dit : "C’est bien mes petits, je suis fière de vous, pouvez-vous aider maman à descendre maintenant ? "
Les petits forment une pyramide et la maman peut enfin les rejoindre. Puis ils rentrèrent à la maison, achetèrent de quoi manger sur le chemin, et préparèrent un bon repas, qu’ils étaient contents de partager et d’être tous ensemble. La caméra ayant filmé cela, quelqu’un mit cette histoire sur internet, histoire qui prouve à tout le monde que les liens de famille sont importants. Une mère qui aime ses enfants sera récompensée un jour. La roue tourne !

Ouah !
Comment as-tu réussi à te percher là-haut ?
Sans doute pour te lancer un défi ! Super idée.
Tu te dis : quelle agilité ! Je suis bon quand même, hé hé.
Ok, bon maintenant, saute vers l’autre poteau ; tu seras alors capable d’affronter tous les pics, toutes les montagnes du monde !

1ère réflexion :
Un bouquetin, pris au piège, dos à un mur sur un pilier qui s’effrite.
Il pense qu’on a réduit son territoire, qu’il va mourir là sur ce pilier.
Mais, il réfléchit, comment se sortir de cette situation scabreuse ?
Dans mon milieu naturel, Je sais ! Je saute de rochers en rochers, je suis agile, je traverse des précipices.
Ne perdons pas courage ! Je vais trouver l’endroit où je pourrai sauter, je n’ai pas peur, je suis courageux.
Quelqu’un va peut-être m’aider ?
Cette position est inconfortable. C’est le bout du bout.
Il y a peut-être une issue de secours, je ne panique pas...

2ème réflexion :
L’artiste a voulu nous faire réagir en appliquant cette silhouette de cabri, bouquetin, chèvre ou autre sur un petit promontoire étroit qui s’effrite, ne donnant aucun recul pour s’élancer et retrouver sa liberté.
On peut penser que l’artiste a voulu démontrer que les activités humaines ont réduit le territoire des animaux et que cela est de notre responsabilité.

Je suis une gazelle de Palestine réfugiée à Londres. Chez moi comme chez vous, l’espace des animaux s’amenuise.
Me voilà, pour exister être obligée de m’exhiber dans l’espace urbain, comme l’arbre d’Islington qui a grandi loin des futaies.
C’est amusant, il est vrai de voir tous ces humains, ébahis devant ma performance : me tenir ainsi en équilibre sur ce petit pilier.
Cependant, comme mes camarades, j’aimerais vous dire que nous serions plus heureux dans notre milieu naturel qui malheureusement se détériore à grande vitesse.
Je ne sais pas si mon ami Banksy m’a placée ici pour que vous vous intéressiez à la cause écologique ou simplement parce qu’il avait le désir de nous rendre hommage dans un joyeux safari...
Dans tous les cas, on fait causer les journalistes, les passants et on amuse les enfants.

Qu’est-ce que je fais là ? Mais qu’est-ce que je peux bien faire là ? Hier, je bougeais, je sautais, je courais librement .. . . Et maintenant, je me sens raide, immobile, incapable d’aller où je voudrais ! Que faire ?. . . Tiens ? Des voix d’enfants ? Ils m’ont vu, ils s’arrêtent, j’entends ce qu’ils disent : ‘ ‘ Tu as vu comme il est joli ? Il penche sa tête vers nous, il nous regarde. . . Peut-être qu’il voudrait jouer avec nous ! Viens, on va lui faire des caresses. . . Et si je montais sur son dos ? ´´ Les voix se rapprochent . . . Mais oui, je sens leurs caresses. . . Et voilà que l’un d’eux, un joli petit bonhomme de 7, 8 ans, arrive à grimper sur mon dos et fait semblant de galoper !
Eh bien, petites filles, petits garçons, finalement, je suis très contente d’être là, de participer à vos jeux, d’entendre vos conversations. Et vous pourrez revenir demain, après demain . . . Tant que vous voudrez ! Vous verrez, je serai encore là ! Nous pourrons parler ensemble, jouer ensemble, on se connaîtra mieux . . . C’est super, non ? Au revoir, à bientôt !

Que fait le bouquetin de Banksy en ville ?

Les bouquetins sont des grimpeurs à défier la gravité. Dotés d’une bonne dose d’obstination, ils grimpent, comme des gazelles, PAR-TOUT : sur des falaises escarpées, dans des arbres (d’où leur drôle de surnom "bouquetins arboricoles"), sur des toits et voilà... sur un pilier étroit en béton que deux hommes, debout sur les épaules, ne peuvent pas atteindre. Des gravats tombent du pilier, il semble instable. L’exploit donne le vertige !

Je vois sa tête penchée vers le précipice et la caméra rivée vers lui. Il semble agile en apparence, mais chancelant de l’intérieur, comme pris d’un dilemme, hésitant entre faire un pas en avant ou rester au sommet. A cet instant, la décision semble irréversible et il est filmé.

Permettez-moi d’oser l’analogie, il est à l’image de l’Homme qui s’obstine à gravir des hauteurs illusoires en quête de liberté, de puissance et de bonheur mais qui se fait rattraper, dans sa traversée, par une invitation à redescendre vers l’Essentiel et qui ébranle tout son Être.

Il ne tient qu’à chacun de nous, d’oser (ou pas) faire le grand saut.

Je trouve que ce bouc embellit le mur et la vie.
Il est fier et libre dans ce monde.
Comme à Tchernobyl où les animaux reprennent leurs places.

Un bouquetin posté tout en haut d’un pilier, en pleine ville ?!
Ça nous parait incongru, absurde.
La voilà coincée avec pour seules options l’attente, ou le vide.
On se dit : "mais qu’est-ce qu’elle est bête cette bête !"
On développe cette supériorité condescendante en rigolant de cet animal grotesque.
Alors que...
Qui aujourd’hui peut se dire plus libre que ce bouc ?
Qui peut déclarer, sans trembler des genoux, "Je connais mieux ma ville que ce bouc" ?
Cet animal perché, ce pilier lui appartient. Même, cette rue, la ville, le monde lui appartient !
Alors, ce bouc part à l’aventure. Il explore, il découvre, il joue.
Et de temps en temps, il se perche, parcourt l’horizon du regard, et contemple ce terrain de jeu infini,
En rigolant des petits humains qui le pointent du doigt l’air hagard.

Bonjour, madame la chèvre.
Quel temps fait-il là haut ?
Y a-t-il un beau paysage à l’horizon ?
Je regarde, dit la chèvre, le lever du soleil le matin.
Mais je voudrais bien descendre de là pour retrouver mon troupeau et ma montagne.

Je suis une chèvre sauvage. Je vivais tranquillement dans la montagne et, un jour, des camions sont arrivés et ont commencé à creuser. Ces travaux faisaient trembler le sol tellement les trous étaient profonds. J’ai eu très peur et ai quitté ma terre natale.
Je suis arrivée dans une ville, il y a eu un énorme orage, l’eau montait, montait dans les rues, les gens courraient essayant de se réfugier sur des hauteurs, c’était la panique. J’entendais des personnes dire que ces inondations étaient dues à des travaux effectués dernièrement dans la montagne.
Ils sont fous ces humains !
Alors moi, j’ai bondi sur ce "perchoir" et attendu que les eaux redescendent. Là je vais pouvoir reprendre la route pour chercher un endroit où je pourrai vivre, un peu comme ces personnes qui doivent quitter leur pays car elles ne peuvent plus y vivre en raison de dérèglements climatiques, de catastrophes causées par des humains.

Pauvre bouc effrayé, obligé de se réfugier sur un poteau, dans l’enfer de la ville.
Je me demande où sont passés ses pâturages.
Normalement il devrait être dans le champ en train de brouter son herbe.
Peut-être s’est-il perdu ou il a eu très peur de quelque chose et s’est enfui de sa grange. Son propriétaire est probablement en train de le chercher, j’espère qu’il aura l’idée de venir dans la ville le chercher.

Ah ! Si les peintures pouvaient parler !
J’entendrais ce bouquetin des montagnes me parler :
"Que s’est-il passé ? Pourquoi suis-je sur ce promontoire derrière la bergerie. Comment suis-je arrivé là ?
Et que fait ce jeune garçon qui m’a apprivoisé au fil des jours parmi tous ces méchants qui semblent me vouloir du mal ?
Pourtant ils ne sont pas armés.
Tout à l’heure la crainte m’a fait galoper droit devant moi et ce mur m’a stoppé net. Je n’ai eu que la force de sauter, je ne sais comment, jusqu’à cette minuscule surface.
Maintenant j’ai peur, j’ai peur.
Mais non, je suis bête, le jeune garçon me crie que tout le monde veut m’aider à descendre.
Seul mon créateur qui m’a peint ainsi, pourra m’aider... en dessinant des marches... ?

Mais que t’arrive-t-il mon pauvre bouquetin ? Toi aussi tu rêves dans la solitude où t’a peint cet artiste !
Allez, allez, redeviens toi-même... Une créature libre...
Qui se donnera toujours le droit de rêver..." et pourtant ...
"Rêver sa vie ce n’est pas la vivre"... ai-je lu autrefois dans un "Propos sur le bonheur".

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