Dignité : Travailler à tout prix ?

La première dignité à respecter, c’est la dignité de la vie.
En France, le travail tue plus que dans tous les autres pays européens.
Entre 2019 et 2022, plus de 1400 personnes sont mortes dans des accidents de travail.
Ceux-ci touchent 2,5 fois les jeunes de moins de 25 ans, sont 2 fois plus nombreux chez les intérimaires, donc chez les précaires. Dans les B.T.P, il y a un accident de travail toutes les 2 minutes. Mais ce n’est pas une fatalité, ce n’est pas juste un fait divers, qu’on peut oublier, comme si on ne pouvait rien y faire, c’est un fait social contre lequel on peut se battre. Travailler à tout prix, ce n’est pas travailler au prix de sa vie.

Le travail peut être un moteur de vie sociale, mais à quel prix !
Pour ma part, j’ai travaillé sur le même poste de travail dans des serres pendant plusieurs années. J’ai pris ce travail car je suis sortie de l’école sans diplôme et cela m’a plu. Pour aller au travail je partais tous les matins vers 4H30 et faisait 10 km à pied pour être à l’heure au travail. Le travail était difficile physiquement, je souffrais mais je ne pouvais pas me permettre de me mettre en arrêt, car je perdais trop d’argent sur mon salaire. Donc je travaillais même malade, ce qui a eu des conséquences sur mon corps, et il a fini par me lâcher. Maintenant j ai une AAH (Allocation Adulte Handicapée) et je fais tout ce que je peux pour trouver un travail qui n’est pas physique.
Mais je trouve que dire aux personnes d’aller encore plus vite ce n’est pas correct. Je pense qu’on n’est pas des machines !
Le travail digne c’est de pouvoir arriver à la fin du mois sans être toujours obligée de regarder chaque dépense pour finir le mois : actuellement vivre avec un SMIC ne peut pas être décent.

A la fin de leurs études, les jeunes pensent à l’entrée dans la vie active, qu’ils aient un métier, ou qu’ils aient arrêté l’école sans perspectives. Mais travailler pour gagner sa vie et être indépendant financièrement semble ou semblait être le but principal à mon époque, et toujours aujourd’hui.
Mais quel travail ? Et dans quelles conditions ?
Avec le recul, je pense qu’il est super important d’être respectée ce qui implique de prendre conscience de sa dignité dont on parlait peu autrefois, mais qui est un sujet essentiel aujourd’hui. Et les jeunes doivent être alertés très tôt du droit inaliénable du respect de leur dignité, ce qui est essentiel de nos jours.
L’expérience que j’ai de la dignité au travail et le fait d’en parler et d’y réfléchir à partir du mot "respect" relevé dans un début de lecture, a réveillé beaucoup de souvenirs assez douloureux.
Habituellement seule dans mon bureau ouvert à tous, je me souviens de "grand chef", de "sous-chefs" et de "petit chef" qui me terrorisaient par leur façon de s’adresser à moi, le plus souvent sans témoin, avec des questions sur mon travail et des reproches sans fondement, comme s’ils voulaient me prendre en défaut, et moi, profondément timide, je n’avais jamais appris à me défendre, comme beaucoup d’autres sûrement.
Le jour où j’ai entendu, en arrivant à son bureau, le "petit chef" dans toute sa caricature, me critiquer auprès des jeunes travailleurs et m’accuser de son propre manquement à son travail, je crois que j’ai été sidérée au point de n’avoir pas su réagir sur le moment. J’ai surtout compris qu’il m’accusait ainsi depuis toutes ces années où les jeunes stagiaires se succédaient d’année en année selon leur statut, et me fuyaient. Quelle tristesse.
Même une soignante de l’époque a trahi mes confidences relatives à de graves problèmes de santé en les divulguant à ces horribles personnes. Je l’ai su. Là aussi, quel chagrin.
Aujourd’hui, et aujourd’hui seulement, je pense que toutes ces bassesses était du harcèlement moral et de la bêtise à l’état brut.
Heureusement, en dehors de la vie professionnelle, ma vie sociale et amicale était devenue riche, sans oublier l’amitié d’une collègue, et je ne vivais pas constamment obnubilée par mon travail, même si c’était dur.
C’est pourquoi la notion de dignité et donc de respect est essentielle, et on ne peut pas, on ne doit plus, accepter de travailler à n’importe quel prix. Pour cela, Il ne faut surtout jamais rester seule et essayer d’en parler à des responsables de confiance. Ce que je n’aurais jamais osé.

A l’époque, je n’avais pas le choix avec 3 enfants à charge. Je devais travailler à tout prix . Là était mon courage. J’ai travaillé durement pour élever seule mes enfants. Personne ne m’a aidée.
Quelle galère ! mais je suis courageuse de nature. Il fallait à tout prix que je donne à manger à mes enfants et que je paie mes factures.
Avec du recul, je me dis que j’ai assumé mon rôle de maman, ça m’a coûté très cher car j’ai perdu la santé. Actuellement, je suis à l’AAH (Allocation, Adulte, Handicapé).

En français, quand on demande à une personne ce qu’elle fait dans la vie, ce qui sous-entend que fait-elle comme travail, question très courante, la réponse est "Je suis ...." et non "je fais ....". Pour les personnes en recherche d’emploi sans emploi pour diverses raisons, la réponse peut être embarrassante, elle pourrait être "Je ne suis pas".
On voit donc l’importance de la place du travail dans la vie.
Toute personne devrait avec ses compétences, ses moyens pouvoir accéder à un travail, un travail décent qui lui permette de vivre sereinement.
Une femme avait obtenu un travail qui consistait à effectuer des heures de ménage tôt le matin de 5H à 9H et le soir de 18H à 22H. Cette femme élevait seule un adolescent pour qui l’école n’était pas une évidence. Elle a été convoquée au collège et il lui a été reprochée de ne pas être présente ni le matin ni le soir auprès de son ado qui se trouvait donc livré à lui-même... Travailler à tout prix ?

Dignité au travail,
J’ai la chance depuis quelques mois d’avoir eu une place dans une entreprise protégée, les responsables respectent et encouragent leurs personnels et si on n’arrive pas quelque chose on nous aide à trouver une solution pour réussir.
Cela me fait du bien de travailler, de me sentir utile, d’avoir un rythme, d’avoir un revenu stable...
Mais la question que je me pose, c’est pourquoi il n’y a pas ce respect dans une entreprise classique ?
Je me rends compte que c’est long pour avoir une place dans les entreprises protégées et que de plus en plus de gens (tout comme moi) sont poussés à prendre cette voie, alors qu’ils pourraient travailler dans un travail classique. Tout cela parce que beaucoup d’entreprises ne veulent pas faire d’effort pour s’adapter à chacun. Ce qui pose un problème, car ces entreprises protégées sont rares et ont peu de place, et il y a de plus en plus de demandes.
Je me rends compte aussi que c’est ce qui ont un plus faible niveau d’études et/ou diplôme qui sont le moins respectés au travail. Par exemple moi j’avais du mal à l’école et j’ai eu un BEP mais dans un filière qui ne me correspondait pas, et on me refusait dans des travaux, car je n’avais pas le bon diplôme. Puis je me suis retrouvée à faire des travaux où il n’y avait pas besoin de diplôme, mais les responsables n’étaient pas bienveillants, entendre toute la journée qu’on ne va pas assez vite, qu’on est bête... Je ne vois vraiment pas l’intérêt cela ne donne pas envie à celui qui travaille de faire des efforts.
J’ai été aide à domicile, aller voir les personnes âgée me plaisait, mais on est très mal payé avec des horaires décalés, je l’ai fait jusqu’à ce que j’ai un enfant. Là c’est encore plus dur de trouver un travail quand on devient parents, car entre le choix de mettre la moitié de son salaire pour faire garder son enfant et ne pas le voir ou vivre sur les aides...
Comment faire pour qu’il y ait de la dignité dans le travail tous milieux confondus ? Qu’est-ce qu’il faudrait faire pour que cela change ?

« Le travail c’est la santé, rien faire c’est la conserver ! », on connaît la chanson... Elle dit avec humour les conditions souvent très difficiles et même indécentes du travail. Dans le monde... et en France, mal placée sur ce sujet. On ne dit pas assez que notre beau pays des droits de l’homme est dans la moitié basse des conditions de travail dans les pays de l’OCDE. Si toute personne est fondamentalement digne, elle peut être placée dans des conditions indignes. La question « faut-il travailler à tout prix » interroge donc sur le rôle du travail et sur l’indignité qu’il y aurait à être au chômage. Il est très rare qu’une personne choisisse de ne pas travailler, et ce peut être son droit. Dans ce cas aucune indignité. Mais le plus souvent, c’est parce que le contexte personnel (logement, contraintes familiales, mobilité, capacités physiques) ne permet pas de travailler ; il faudrait donc changer ce contexte avant d’engager – et pire, de la forcer - à travailler.

C’est important d’avoir un travail pour être autonome, faire partie d’un groupe,
Sans travail, c’est la porte ouverte à la précarité à l’insécurité à la marginalité. On a l’impression de ne pas être acteur actrice de sa vie. On a besoin de reconnaissance, de ne pas être isolé.e .
Mais il est aussi important d’avoir un travail décent et pas un travail à n’importe quelle condition.
Sans diplôme on se sent dévalorisé.e, on est employé.e aux tâches répétitives, ingrates, mal payées, aux horaires difficiles.
On pourrait, au contraire, valoriser ces métiers là, les rendre moins pénibles ils sont d’utilité publique.

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